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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/131

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que par l’extrême joie que lui a causée la déclaration d’un des premiers artistes de France contre le veau du juif Aaron fabriqué dans le désert.

M. de Cardonne, secrétaire-interprète pour les langues orientales, attaché à la Bibliothèque du roi, et professeur de langue arabe au Collège royal, a publié depuis plusieurs mois des Mélanges de littérature orientale, traduits de différents manuscrits turcs, arabes et persans de la Bibliothèque du roi ; 2 vol.  in-12. Ce recueil est intéressant et curieux : le goût arabe y domine et nous rappelle les plus anciens de nos livres sacrés qui sont écrits dans le même goût. Ce recueil est bon aussi à mettre entre les mains des enfants ; les contes qu’il renferme sont à la fois ingénieux et moraux, et souvent d’un sens profond ; ils attachent la jeunesse en l’instruisant. Le génie de l’homme est à peu près partout le même, mais les différentes formes de gouvernement le modifient diversement. C’est dans les républiques qu’il faut chercher les modèles d’une éloquence franche, nerveuse mâle, pleine de sens et de raisonnements ; c’est dans les monarchies qu’on trouvera les modèles de cette satire fine et déliée qui blesse avec autant d’adresse que de légèreté ; dans les gouvernements despotiques on trouvera le modèle des fables, parce que la vérité ne peut guère s’y montrer que sous l’habit de l’apologue. Cette tournure, captivant d’abord l’imagination, et masquant pour ainsi dire l’amertume de la drogue, permet souvent les applications les plus fortes, et l’on est plus d’une fois également étonné et de la hardiesse de l’esclave et de la douceur du maître : mais l’élévation d’un Arabe ou d’un Persan et celle d’un Anglais ne sont pas de la même trempe. Beaucoup de morceaux de ces Mélanges sont tirés du Persan Sadi, qui est, de tous les poètes de l’Orient, celui qui nous est le plus connu ; M. de Saint-Lambert en a emprunté plusieurs apologues, et c’est de tout ce qu’il a fait ce que j’aime le plus. Vous trouverez dans les premières pages de ces Mélanges un conte intitulé le Philosophe amoureux : c’est le sujet de la petite comédie de la Gageure que M. Sedaine a emprunté à Scarron, lequel l’a pris dans un auteur espagnol qui peut l’avoir tiré d’un auteur arabe. Il est traité d’une manière plus piquante par l’auteur arabe que par Scarron ou son prêteur espagnol. Ceux-ci ont fait de la femme tout simplement