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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/136

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tions secrètes, il est certain que l’impression de la harangue de M. Thomas fut arrêtée par ordre de M. le chancelier ; qu’il fut question de mesures très-graves contre l’auteur, comme d’être mis à la Bastille, rayé du tableau des Quarante, peut-être pendu en place de Grève, pour le bon ordre. M. le chancelier retint même le manuscrit, le seul que l’auteur eût de son discours, et ne lui laissa pas ignorer que s’il en paraissait jamais un fragment en totalité, soit imprimé, soit en manuscrit, il en resterait responsable et courrait le risque d’une punition rigoureuse. C’est ce qui nous privera de l’avantage de lire et le discours de M. l’archevêque de Toulouse et la réponse de M. Thomas.

Il n’y a pas jusqu’à la suppression des discours qui n’ait ses exemples dans les fastes de l’Académie. Le discours du grand Racine ne fut pas imprimé, on ne l’avait pas jugé digne de lui ; et la réponse que M. de Caumont, si je ne me trompe, fit au discours de M. de Clermont-Tonnerre, évêque de Noyon, ne fut pas imprimée non plus, parce que c’était effectivement une satire aussi fine que sanglante de la vanité que ce prélat tirait de sa naissance, et qui l’a rendu célèbre. Dès que M. l’archevêque de Toulouse sut la défense qui avait été faite à M. Thomas, il déclara qu’il ne ferait pas paraître son discours.

On s’imagine aisément que l’Académie n’a pas vu d’un œil indifférent ce qui vient de se passer. Si elle n’a pas pris de parti, ce n’est pas faute d’avoir un avis, mais c’est qu’elle a craint de compromettre et d’exposer jusqu’à sa constitution. Cette constitution la met sous la protection immédiate du roi ; elle n’est donc pas, comme les parlements, dans le département de M. le chancelier, et elle jouit du privilège de faire imprimer tous les ouvrages de ses membres qui sont munis de son approbation. Il y a apparence que l’Académie se ménage des circonstances plus favorables pour faire sa réclamation, et elle n’oubliera sûrement pas les obligations qu’elle a à M. Séguier dans cette occasion. On dit qu’il a paru une foule d’épigrammes sur cette aventure, et c’est le droit du jeu, mais je ne connais que ce quatrain, qui a été répété de bouche en bouche :


Entre Séguier et Fréron,
Jésus disait à sa mère :