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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/137

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Me voici sur le calvaire ;
Mais quel est le bon larron ?

OU

Entre Séguier et Fréron,
Jésus disait à sa mère :
Je me croirais au calvaire,
Si je voyais le bon larron.

Il n’est donc pas inutile de joindre à un nom illustré par ceux qui l’ont porté avant nous et à une charge considérable dans la magistrature des mœurs et la considération personnelle qui en est la suite, ne fût-ce que pour se préserver de l’ignominie d’être accouplé avec Fréron.

Au reste, si je m’en rapporte aux deux témoins sages que j’ai déjà cités en faveur de l’innocence de M. Thomas, je suis obligé de croire aussi que M. le chancelier lui a rendu un service véritable en empêchant son discours de paraître. Ils déposent tous les deux qu’ils ne croient pas que ce discours eût réussi à l’impression, et ils m’en ont donné d’assez bonnes raisons pour me ranger de leur avis. Ceux qui en veulent aux philosophes, et qui cherchent à les rendre odieux, leur supposent un plan concerté et suivi, les accusent d’une association qui exécute ses vues, ses plans, ses projets ; et comme ces accusations se multiplient de jour en jour, les gens de lettres finiront par en être eux-mêmes les dupes ; ils se croiront obligés de se liguer entre eux, ils se donneront un air de secte et de clique qui ne servira qu’à rétrécir les têtes, qu’à remplir l’ordre de petits énergumènes qui ne seraient rien s’ils ne faisaient beaucoup de bruit, et qui en écarteront insensiblement les hommes d’un vrai mérite. J’avoue que les prétentions que j’entends établir depuis quelque temps, et dont on m’assure que le discours de M. Thomas était plein, me paraissent aussi peu philosophiques que mal fondées. Je crois à la communion des fidèles, c’est-à-dire à la réunion de cette élite d’excellents esprits, d’âmes élevées, délicates et sensibles, dispersées çà et là sur la surface du globe, se reconnaissant néanmoins et s’entendant, d’un bout de l’univers à l’autre, à l’unité d’idées, d’impressions et de sentiments ; mais je ne crois pas au corps des gens de lettres ni au respect qu’il exige, ni à la suprématie qu’il veut