Ouvrage écrit d’un style obscur, entortillé, boursouflé et plein d’idées communes. Je réponds qu’au sortir de cette lecture un grand acteur n’en sera pas meilleur, et qu’un médiocre acteur n’en sera pas moins pauvre.
C’est à la nature à donner les qualités extérieures, la figure, la voix, la sensibilité, le jugement, la finesse ; c’est à l’étude des grands maîtres, à la pratique du théâtre, au travail, à la réflexion à perfectionner les dons de la nature. Le comédien d’imitation fait tout passablement, il n’y a rien ni à louer ni à reprendre dans son jeu ; le comédien de nature, l’acteur de génie est quelquefois détestable, quelquefois excellent. Avec quelque sévérité qu’un débutant soit jugé, il a tôt ou tard au théâtre les succès qu’il mérite ; les sifflets n’étouffent que les ineptes.
Et comment la nature, sans l’art, formerait-elle un grand comédien, puisque rien ne se passe rigoureusement sur la scène comme en nature, et que les drames sont tous composés d’après un certain système de convention et de principes ? Et comment un rôle serait-il joué de la même manière par deux acteurs différents, puisque, dans l’écrivain le plus énergique, le plus clair et le plus précis, les mots ne peuvent jamais être les signes absolus d’une idée, d’un sentiment, d’une pensée ?
Écoutez l’observation qui suit, et concevez combien, en se servant des mêmes expressions, il est facile aux hommes de dire des choses tout à fait diverses : l’exemple que je vais vous en donner est une espèce de prodige, c’est l’ouvrage même en entier dont il est question. Faites-le lire à un comédien français, et il conviendra que tout en est vrai ; faites-le lire à un comé-
- ↑ On sait aujourd’hui que l’acteur Sticotti est auteur de ((Garrick, ou les Acteurs anglais. (B.)