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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/167

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j’ignorais, et que je viens d’apprendre vous pouvez comparer leurs idées avec les miennes. Pour le coup, vous en voilà quitte et moi aussi.

Ce que nous avons de plus honnête et de plus respectable dans la littérature, après le vertueux Palissot, c’est le sage de La Beaumelle. Ce n’est pas que ce sage écrivain, cet excellent homme n’eût couru risque d’être entièrement oublié, si M. de Voltaire ne s’était cru obligé à des soins sans relâche pour lui procurer une réputation immortelle : Beaucoup de personnes de sens ont reproché à M. de Voltaire ces efforts infatigables et auraient désiré qu’il n’eût pas écrit des Anecdotes sur Fréron, et qu’il ne se fût pas plus occupé que le public de la réputation immortelle de La Beaumelle ; mais je ne m’arroge pas le droit de prononcer sur une question aussi importante à la fois et si délicate ; il me suffit de remarquer que le sage La Beaumelle, après un silence de douze ou quinze ans, n’a pas cru devoir laisser plus longtemps tout le soin de sa réputation littéraire à la merci généreuse de son protecteur de Ferney, et qu’il vient de le seconder par un petit manifeste qui nous prépare à des exploits éclatants. La Beaumelle avait épousé, en Languedoc, une sœur de ce jeune Lavaysse qui a joué un rôle si mémorable dans le procès de l’infortuné Calas ; la famille de ce jeune homme ne s’honore pas infiniment de cette alliance ; mais il n’appartient pas à tout le monde de sentir le prix d’une réputation pareille à celle de M. de La Beaumelle. Ce sage écrivain est revenu à Paris depuis plusieurs mois, et après s’être fait guérir par les soins de M. Tronchin, et s’être assuré d’une puissante protection auprès de Mme la comtesse du Barry, il vient de recommencer les hostilités contre le nabab de Ferney, par un manifeste intitulé Lettre de M. de La Beaumelle à MM. Philibert et Chirol, libraires à Genève. Dans cette Lettre, qui n’a que seize pages, il assure que ses amis de Genève ont été induits en erreur par son silence ; voyant qu’il était devenu si patient, après s’être montré si sensible, ils ont supposé qu’il avait vendu son silence à M. de Voltaire, et que celui-ci lui fait une forte pension qu’il lui fait compter avec exactitude, pour avoir le droit de

    le génie peut se rencontrer indistinctement avec l’âme la plus sensible ou la plus insensible. On trouve de tout dans ce monde, et la variété des combinaisons est inépuisable. (Grimm.)