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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/168

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déchirer son pensionnaire tant et aussi longtemps qu’il lui plaira, et sous la promesse faite par le pensionnaire de ne pas se défendre. On voit que les amis de M. de La Beaumelle ont une idée convenable de l’élévation de ses sentiments ; aussi il ne leur fait point de reproche à cet égard ; il est seulement étonné qu’une idée aussi folle ait pu entrer dans les têtes bien organisées de ses amis. Pour la détruire, il déclare qu’il va faire une édition des Œuvres de M. de Voltaire, et l’enrichir de ses notes et de ses observations ; il imagine cet expédient comme un moyen sûr de faire passer à la postérité l’antidote de son apologie, avec le poison des accusations de son ennemi ; il ne s’agit plus que de savoir si le public voudra acheter cette édition, et si un homme de goût se souciera d’avoir dans sa bibliothèque les productions immortelles de M. de Voltaire, contaminées par les ordures périssables de La Beaumelle. Il commencera par la Henriade. Il convient qu’il serait plus court d’en faire une meilleure ; « c’est même, dit-il, une idée qui me tourmente depuis longtemps ; mais il faudrait plus de talent, et surtout plus de santé que je n’en ai. » Je défie tous les ennemis de La Beaumelle de faire contre lui une meilleure plaisanterie et un écrit plus sanglant que le sien.


15 novembre 1770.

Le 10 de ce mois on donna sur le théâtre de la Comédie-Française la première représentation de Florinde, tragédie nouvelle, par M. Le Fèvre. Ce jeune poète donna, en 1767, une tragédie de Cosroès ; c’était sa première production ; le public, indulgent pour les coups d’essai, la supporta pendant quelques représentations, et l’auteur se crut autorisé à s’essayer de nouveau ; mais le public n’est indulgent qu’une fois. Florinde obtint les honneurs du sifflet et la couronne du martyre si unanimement qu’elle n’a pu se relever pour une seconde représentation ; et M. Le Fèvre, qui a un peu dessiné avant d’être possédé de la fureur des vers, ne peut plus être incertain aujourd’hui sur le métier qu’il faut abandonner ; il vaut encore mieux être peintre médiocre que mauvais poète.

Si l’on en juge par le titre de sa pièce, on croira que l’auteur, à l’exemple de ses confrères modernes, a fait une pièce de