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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/169

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pure imagination sans aucun fondement historique ; le nom de Florinde est romanesque ou pastoral, ou même tiré du Martyrologe ; eh bien, ce n’est rien de tout cela, et depuis longtemps nous n’avons vu sur notre théâtre un sujet plus historique.

M. Le Fèvre a placé le lieu de la scène en Espagne, au commencement du viiie siècle, où finit, dans cette partie de l’Europe, le règne des Visigoths, sur les ruines duquel s’éleva le règne des Sarrasins et des Maures. Vous vous rappelez la conspiration du comte Julien contre Rodrigue, dernier roi visigoth. L’histoire de ces temps malheureux est assez incertaine et assez embrouillée. Rodrigue n’était pas né sur le trône : on avait même fait à son père un assez mauvais parti ; mais après la mort du persécuteur de sa famille, Rodrigue trouva le moyen de se venger sur les enfants ; ils furent chassés, et Rodrigue fut proclamé roi. On en avait espéré beaucoup ; mais, à l’exemple de plusieurs avortons royaux qu’on remarque dans l’histoire, il promettait et ne tint pas ; il tomba bientôt dans la débauche et la crapule les plus honteuses, et dans l’avilissement qui en est la suite inévitable. Le comte Julien, gouverneur des plus belles provinces d’Espagne du côté de l’Afrique, homme puissant et hardi, avait une fille célèbre par sa beauté, appelée Cava ; c’est elle que l’infortuné M. Le Fèvre a débaptisée et appelée Florinde. Elle était élevée, selon l’usage de ce temps, dans le palais et sous les yeux de la reine. Le roi la vit un jour, de sa fenêtre, se promener dans les jardins de sa royale épouse ; il en devint éperdument amoureux. Il se rappela sans doute la petite intrigue de l’homme selon le cœur de Dieu[1], avec la femme d’Urie ; mais ne trouvant pas dans la belle Cava les mêmes facilités que l’autre avait trouvées dans la belle Bethsabée, il fut obligé d’en venir à un parti un peu vigoureux, c’est-à-dire de la violer suivant l’usage de ces temps honnêtes. La belle Cava ne manqua pas d’instruire son père de son malheur et de sa honte. Le comte Julien, outragé dans sa fille, plein de projets de vengeance, et d’autant plus dissimulé, revient à la cour. Il cherche à gagner la confiance du roi, et il y réussit. Sous prétexte que tout est tranquille dans l’intérieur de l’Espagne, et que les Sarrasins seuls sont à craindre, il persuade à Rodrigue de

  1. David.