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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/179

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ont eu grand tort d’abandonner les belles-lettres pour ces profondes fadaises, et on a tort de les prendre sérieusement. À tout prendre, le siècle de Phèdre et du Misanthrope valait mieux.

« Je vous renouvelle, madame, mon respect, ma reconnaissance et mon attachement.  »

— François-Augustin Paradis de Moncrif, lecteur de feu la reine et de madame la dauphine, l’un des quarante de l’Académie française, s’est endormi du dernier sommeil le 12 novembre, âgé de quatre-vingt-trois ans. Nous avons de lui plusieurs chansons et romances dans le vieux langage naïf et tendre, d’un goût si délicat, si exquis, qu’on peut les regarder comme autant de chefs-d’œuvre. Il faut sans doute plus de génie pour faire l’Iliade que pour faire une chanson excellente ; mais la perfection, en quelque genre que ce soit, est sans prix, et je ne suis pas plus surpris de voir à un homme de goût la tête tournée d’un couplet plein de sentiment, de délicatesse et de naïveté, que de le voir dans l’enthousiasme de la prière de Priam à Achille. Si Moncrif n’avait jamais fait que ses chansons et ses romances, il eût été le premier dans son genre, et c’est toujours quelque chose que d’être le premier quelque part. Mais il a fait plusieurs autres ouvrages qui ont nui à sa réputation. Nous avons de lui beaucoup d’actes d’opéra français dans ce genre galant et fade qui n’est guère moins insipide à lire qu’en musique psalmodiante et mêlée d’airs à petites cabrioles. Il a fait un Essai sur les moyens de plaire qui est un mauvais essai, et dont les faiseurs de pointes disaient qu’il n’avait pas les moyens. Il a fait dans sa jeunesse une Histoire des chats que je n’ai pas vue, plaisanterie apparemment de société fort insipide, qui lui attira mille brocards et beaucoup d’épigrammes. Le poëte Roy en ayant fait une très-sanglante, Moncrif l’attendit au sortir du Palais-Royal, et lui donna des

    sèrent des déclarations et des hommages. Voltaire fut de ce nombre, et son épître qui commence par

    Toi dont la voix brillante a volé sur nos rives, etc.


    était à l’adresse de la beauté-poëte, qui n’était autre que Desforges-Maillard. Cette aventure a fourni à Piron le sujet de la Métromanie. (T.)