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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/192

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moribond. Et puis il se mit à faire le panégyrique de Mme de Castelmoron, et toujours en comparant ses excellentes qualités aux vices de Mme du Deffand. Ce radotage dura une demi-heure en présence de tout le monde, sans qu’il fût possible à Mme du Deffand de faire taire son panégyriste ou de le faire changer de conversation. Ce fut le chant du cygne ; il mourut sans savoir à qui il avait adressé un parallèle si véridique. Sa mort laisse une seconde place vacante à l’Académie française. M. de La Place, qui était, je crois, de ses parents, vient de lui faire l’épitaphe suivante :


Ainsi que les vertus, les talents n’ont point d’âge :
Dans ses écrits jamais on n’entrevit le sien ;
DaIl lut l’histoire en philosophe, en sage ;
Dans Il l’écrivit en citoyen.


M. de La Place a aussi écrit sur la tombe de M. de Moncrif les quatre vers suivants :


Digne des mœurs de l’âge d’or,
Ami sûr, auteur agréable,
Ci-gît qui, vieux comme Nestor,
Fut moins bavard et plus aimable.


M. L. Castilhon, qui réside, je crois, à Bouillon, et qui a un frère résidant obscurément à Paris, a publié, il y a déjà du temps, des Considérations sur les causes physiques et morales du génie, des mœurs et du gouvernement des nations[1]. Vous voyez que ces Considérations roulent sur de petites questions de rien. Quand on veut traiter de tels sujets, il faut être un Montesquieu, un Galiani, un Diderot, un Buffon pour le moins ; et quand on n’est rien de tout cela, on est un Castilhon, c’est-à-dire qu’on traite un sujet sans que personne en sache rien. Cependant il y a un auteur tout aussi obscur que Castilhon qui a fait un Esprit des nations[2], et qui a accusé l’autre de plagiat. Je ne sais si ce grand procès sera jugé au greffe civil du Mercure de France, ou au greffe criminel de l’Année littéraire ; mais si après la compensation des dépens, ensemble les présents

  1. 1770, 3 vol.  in-12.
  2. Par l’abbé d’Espiard, La Haye, 1752, 2 vol.  in-12.