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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/255

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en français, puisque son traducteur a du style ; et l’on est surpris de ne trouver, dans un ouvrage si pompeusement annoncé, qu’une version d’écolier où une phrase est cousue à l’autre, la plupart du temps sans soin pour l’harmonie, pour la pureté et la correction du style. Non-seulement on s’aperçoit que M. de La Harpe n’était pas en état de traduire Suétone, on voit encore qu’il a fait ce travail avec un dégoût dont il n’a pu se rendre maître, et qui l’a entraîné dans des négligences et dans des légèretés impardonnables. Les notes et les réflexions dont il a cru devoir enrichir son texte ne sont pas ce qu’il y a de moins impertinent dans cet ouvrage ; la confiance et la légèreté d’un fat et d’un ignorant, qui veut se donner un air capable, s’y remarquent partout. Le faux air de philosophie et de bel esprit, qui, sans se donner le temps de penser et de réfléchir, veut trancher du maître, n’y est pas moins sensible. Quand on lit à la suite de la vie de Jules César un parallèle à la manière de Plutarque entre César et notre roi Henri IV, c’est-à-dire entre les deux hommes sur la terre qui se sont le moins ressemblés, on hausse les épaules, et l’on sent qu’il ne faut pas s’occuper plus longtemps du Suétone-La Harpe, ou de Plutarque travesti en bel esprit du pavé de Paris.

La traduction de M. de La Harpe forme avec le texte latin deux volumes in-8o assez forts ; mais l’ardeur de traduire Suétone s’est tellement emparée de nos petits littérateurs, que nous avons été dans l’embarras du choix à cet égard. Un certain Henri Ophelot de La Pause a publié, en même temps que M. de La Harpe, une traduction des Douze Césars, également enrichie de mélanges philosophiques et de notes, en quatre volumes grand in-8o. Les philosophes s’étant déclarés protecteurs de M. de La Harpe lui ont procuré de la vogue pendant quelques jours ; et son rival, sans protection apparemment, et sans manège, a été obligé de céder le terrain ; mais lorsque des juges équitables ont osé dire leur sentiment sur les ignorances et les négligences condamnables de M. de La Harpe, il a perdu son petit piédestal de terre glaise, sans que l’autre ait osé s’y placer. On prétend que le nom de Henri Ophelot de La Pause est supposé, et que cette seconde ou première traduction, comme vous voulez, est d’un M. Delisle, non le traducteur des Géorgiques, mais l’auteur d’une Philosophie de la nature, ouvrage oublié depuis environ