Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cipal et tous les professeurs de ce collège, et ayant été découvert il fut mis en prison, les uns disent au For-l’Évêque, les autres à Bicêtre. Je pense que ceux qui ont statué sur la punition auraient de grands reproches à se faire, d’avoir mis dans une prison infamante un jeune homme à l’entrée de sa carrière, quand même il serait coupable de la faute la plus grave. Passe pour le For-l’Évêque ; et je trouverais d’une injustice bien criante de vouloir exclure un poëte pour une fredaine de jeunesse.

M. l’abbé Le Monnier, dont vous connaissez plusieurs fables, vient de traduire un peu différemment les Comédies de Térence. Il en a publié une très-belle édition en trois volumes in-8o, ornée d’autant d’estampes qu’il y a de pièces, et gravées d’après les dessins originaux de Cochin. Le texte latin est à côté, et les notes sont rejetées à la fin de chaque pièce ; cette traduction se lit avec plaisir. Vous n’y trouverez pas peut-être la pureté, la grâce et le charme de la diction de Térence ; mais vous y trouverez sa vivacité, et la diction de M. l’abbé Le Monnier ne manque pas d’une grâce qui lui est propre. S’il n’est pas d’ailleurs aussi profond latiniste qu’un Ernesti, on trouve partout un homme qui a fait de bonnes études, et un homme qui, ayant promis au public une traduction de Térence, a cru qu’il était de son devoir de s’en faire une occupation sérieuse ; aussi le Térence de l’abbé Le Monnier restera, et les Suétones de MM. de La Harpe et de La Pause sont déjà oubliés. L’abbé Le Monnier attaque dans sa préface la traduction de Mme Dacier, à laquelle il reproche avec raison d’être froide et pesante ; on ne fera pas ce reproche à la sienne, ce qui n’empêche pas que le latin à côté ne soit souvent un dangereux voisin. Il est, depuis longtemps, le seul parmi les auteurs et leurs libraires, qui ait proposé au public une souscription honnête, et qui en ait strictement rempli les conditions ; il n’a pas pris d’argent d’avance ; il a publié son livre au terme fixé, il a tenu sa parole de ne laisser jouir que les souscripteurs seuls du bénéfice de la souscription. Il va nous donner dans peu une traduction de Perse, auteur célèbre par son obscurité, et qu’il se flatte d’avoir rendu intelligible sans se donner la torture et sans faire violence aux expressions de ce poëte. L’abbé Le Monnier est lui-même un auteur original, ayant dans son caractère un assemblage rare de naïveté, de rusticité,