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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/259

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fait sensiblement négliger les soins typographiques, le choix du papier et des caractères, et ces embellissements simples et de bon goût qui ont pour objet plutôt la netteté et la correction du texte que des ornements déplacés. On n’a tiré que mille exemplaires de l’édition de Tacite : on vend les quatre volumes reliés et dorés sur tranche quatre louis, et l’on a tiré une vingtaine d’exemplaires sur de grand papier de Hollande qu’on vend huit louis l’exemplaire. Voilà sans doute un grand luxe ; mais un homme de goût aimera mieux donner huit louis pour avoir une superbe et précieuse édition de Tacite que de dépenser un louis pour les Baisers fanfreluchés de M. Dorat.

— Puisque la Providence, par des voies incompréhensibles, nous a conduit des Annales du sévère Tacite aux Baisers du voluptueux Dorat, il faut dire que de petits malins viennent de publier les Baisers de Jean Second en latin avec la traduction à côté, ainsi que quelques morceaux de Catulle, de Guarini et d’autres poëtes italiens[1]. En s’extasiant beaucoup sur les Baisers de M. Dorat, et en le persiflant passablement fort dans leur préface et dans leurs notes, ils ont pris la peine d’indiquer et de découvrir toutes les sources où le baiseur parisien a puisé le nectar dont il arrose ses lecteurs, et ils ont voulu prouver indirectement, par une simple traduction en prose, combien le voluptueux Dorat est resté au-dessous de ses modèles. Il ne nous reste donc plus que les vignettes de M. Eisen à payer dans l’édition des Baisers de Jean Second-Dorat.

Mme de Gomez, veuve d’un gentilhomme espagnol, mourut le 28 décembre dernier, à Saint-Germain-en-Laye, à quatre lieues de cette capitale, âgée de quatre-vingt-cinq ans. Son nom de famille était Poisson, et je crois qu’elle tenait à cette famille Poisson qui a fourni plusieurs acteurs comiques au Théâtre-Français ; mais je n’en suis pas sûr. Nous avons vu le dernier Poisson, petit et baroque de figure, ivrogne, bredouilleur, ne sachant jamais son rôle, faire les délices du parterre par un jeu infiniment plaisant et original. Il mourut il y a une quinzaine d’années, et eut Préville pour successeur. Mme de Gomez publia successivement les Journées amusantes, les Cent Nouvelles

  1. Les Baisers de Jean Second, traduction française accompagnée du texte latin, par M. C. (Moutonnet de Clairfons), Paris, Pillot, 1771, in-8o.