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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/276

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Dégrader l’homme uniquement
Pour désennuyer de vieux prêtres,
Et, ce qui me semble aggravant,
Priver de fait un catholique
D’un fort aimable sacrement,
Cette invention frénétique
Dut naître au fin fond de l’enfer.
Convenons que c’est payer cher
Un petit luxe de musique.
Et ce sont des peuples puissants,
Des chrétiens polis et charmants
Qui dans le temple et sur la scène
Se donnaient ces doux passe-temps
Aux dépens de l’espèce humaine !
La nature étouffait ses cris.
Dignes émules de Tantale,
Les pères immolaient leurs fils
À cette fureur musicale ;
Les descendants des Scipions,
Des Fabius et des Catons,
Subissaient l’attentat impie ;
Malheureux dans leur infamie,
Chaque jour souffraient mille morts ;
Et pour mieux combler leur misère,
Forcés de peindre des transports
Qu’ils ne pouvaient plus satisfaire,
Ils formaient les plus doux accords ;
Ils triomphaient dans la cadence,
Les roulements et cætera ;
Mais, comme on l’a dit, ces gens-là
Ne brillaient pas pour la dépense.
Cependant, seule et sans rivaux,
L’Italie orgueilleuse, oisive,
Goûtait cette gloire exclusive
De faire des monstres nouveaux ;
Et comme autrefois pour la guerre,
Par la valeur de ses soldats,
Crut régner encore sur la terre
Par le succès de ses castrats :
Au commerce, à l’agriculture
Du vulgaire des nations
Opposait sa manufacture
De lâches et vils Amphions ;
Et l’on n’admirait plus dans Rome
Que cet art d’élaguer un homme
Pour lui faire pousser des sons.
En vain les fastes de l’histoire