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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/278

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petits écrits, sans que nous soyons pour cela ni plus sages ni meilleurs. Ne voilà-t-il pas un grand malheur d’avoir châtré quelques hommes qui auraient peut-être passé leur vie à monter derrière un carrosse, et de les avoir mis en état, par cette petite opération, de nous ravir aux cieux par leurs accents enchanteurs, en second lieu, de gagner par leurs talents des sommes immenses, en troisième lieu, d’être avec tous leurs défauts très-bien venus des dames, et même d’en être fort recherchés car, Dieu me pardonne ! ces freluquets philosophiques me feront dire enfin des sottises. On croirait, à entendre les rimes de ces polissons-là, que nous savons faire dans nos gouvernements modernes un emploi si merveilleux des hommes ; que les modérateurs de l’Europe sont tous si possédés de la soif de rendre les nations heureuses, de leur inspirer la passion de la gloire, de leur dignité et des vertus sublimes, qu’il serait dommage d’éteindre les sources d’une seule génération et de soustraire un seul être à une bienfaisance si auguste. Eh ! bavard, quand vous aurez aboli les couvents et tous les brailleurs au lutrin et dans les stalles, quand vous ne redouterez plus le mariage et la vertu prolifique de la classe la plus robuste, de nos Césars à cinq sous par jour, nous verrons si nous ne pourrons plus nous ménager de loin le plaisir divin d’entendre chanter un Caffarelli ou un Manzuoli sans être homicides. En un mot, ces vers sont d’un M. Borde, de Lyon, qui nous gratifie de temps en temps de ses médiocres productions, et qui a toujours soin de les mettre sur le compte de quelque écrivain illustre, supercherie perdue et dont personne n’est la dupe.

Les Lettres d’une religieuse portugaise à son amant sont regardées comme un modèle de style passionné. Je me rappelle, lorsque je les ai lues, avoir été fort étonné de leur réputation ; c’est à peu près tout ce qui m’en est resté. Faire parler longtemps de suite la même passion, c’est de toutes les entreprises la plus difficile : son éloquence n’est pas verbeuse ; mais ses mots sont autant de traits qui pénètrent jusqu’au fond du cœur ; et, pour ne parler que de l’amour, je pense que nous n’avons point de modèle de lettres en ce genre, et que nos lieux communs de galanterie ne nous en fourniront jamais, parce que rien n’est plus opposé au caractère véritable de la passion. On suppose