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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/297

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HONNÊTETÉ FRANÇAISE SUR LE MÊME SUJET.

<poem>J’ai vu chez Pigalle aujourd’hui Ce modèle vanté de certaine statue ; À cet œil qui foudroie, à ce souris qui tue, À cet air si jaloux de la gloire d’autrui, Je me suis écrié : « Ce n’est pas là Voltaire, C’est un monstre. — Oh ! m’a dit certain folliculaire, Si c’est un monstre, c’est bien lui. »

— Louis-Michel Van Loo, chevalier de l’ordre du roi, premier peintre du roi d’Espagne, ancien recteur de l’Académie royale de peinture et sculpture, directeur des élèves protégés par Sa Majesté, mourut le 20 mars dernier d’une fluxion de poitrine, âgé de soixante-quatre ans. Michel, sans valoir son oncle, Carle Van Loo, n’était pas un artiste méprisable ; il excellait principalement dans le portrait ; il était d’ailleurs recommandable par l’honnêteté et la probité les plus rares : lorsque les qualités les plus essentielles sont poussées au plus haut degré, il me semble qu’elles méritent bien autant notre admiration que des talents sublimes. En s’approchant de Michel, on se trouvait comme dans une atmosphère d’honnêteté ; il la transpirait, pour ainsi dire, par tous les pores ; et avec elle, un calme, une sérénité qui vous rafraîchissaient le sang, comme disait M. de Mairan. Sans le connaître, on aimait à être assis à côté de lui, sans autre raison que parce que l’honnête homme se repose délicieusement à côté de l’honnête homme. Je n’ai jamais vu une physionomie plus honnête que celle de Michel ; c’était celle de son âme. Il vivait avec sa tante, la veuve de Carle, avec sa sœur, sa nièce ; il était l’ami, le chef, le père de toute sa famille : leur profonde douleur fait plus éloge funèbre que tout ce que je pourrais dire. Il a passé une partie de sa vie en Espagne. Il est mort pauvre, parce qu’il a toujours vécu honorablement. Il confia un jour toute sa fortune, acquise par son travail, à un ami qui fit naufrage ; il ne regretta que son ami. Michel laisse un frère, Amédée Van Loo, premier peintre du roi de Prusse, qui est de retour en France depuis deux ans ; c’est le dernier, mais aussi le plus faible des Van Loo. On ignore à qui sera donnée la place de directeur des élèves pensionnaires du roi. On parle de la supprimer, ou d’en diminuer le nombre ; cela