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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/309

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ne pourra pas lui répondre, attendu qu’il est mort à Bruxelles au mois de février dernier, âgé de plus de soixante-dix ans. C’était un des gros bonnets de l’ordre ; il passait pour intrigant et retors ; mais j’ai vu cette réputation quelquefois usurpée par de pauvres diables qui mouraient de peur dans le temps qu’on les croyait fort redoutables : les jésuites ont longtemps roulé sur leur ancienne réputation, et la manière dont leur destruction s’est opérée prouve trop combien leur consistance était précaire. Comme homme de lettres, le P. Griffet n’était pas sans mérite ; c’était un assez bon esprit, mais un écrivain diffus, et d’ailleurs nécessairement captivé par les préjugés de son état qui ne peut manquer d’étouffer à la longue tout sentiment de vérité et d’élévation. Il ne faut juger le procès entre maître Griffet et maître Gibert que lorsque maître Georgel aura parlé. L’abbé Georgel, autre ex-jésuite, attaché à M. le prince Louis de Rohan, coadjuteur de Strasbourg, travaille en ce moment à une réponse au mémoire de MM. les ducs et pairs opposés aux prétentions de la maison de Rohan. Depuis le menuet de Mme de Lorraine qui a excité une si grande commotion l’année dernière au bal paré pour le mariage de M. le dauphin, il n’y a pas eu d’affaire plus importante dans le droit public français, à en juger par le temps qu’on prend pour s’occuper de cette querelle ; maître Gibert et maître Georgel auront bien de la peine à trouver des auditeurs qui soient d’humeur d’entendre leurs raisons dans ce quart d’heure.

— Un prêtre habitué de la paroisse de Saint-Roch, M. l’abbé de Germanes, vicaire général de Rennes, a publié une Histoire des révolutions de Corse, depuis ses premiers habitants jusqu’à nos jours. Deux volumes in-12. Cela sera encore bon pour les lecteurs par état et par ennui. Il n’y a d’ailleurs ni talent, ni mérite à faire de semblables rapsodies ; mais il vaut encore mieux passer son temps à composer et à lire de tels ouvrages que de mauvais romans. Le peuple corse mériterait bien un historien philosophe, observateur et impartial. J’ai entendu parler fort diversement de son chef Pascal Paoli ; les uns en font un héros, les autres en parlent comme d’un lâche et d’un petit fripon. Sa valeur a toujours paru équivoque ; mais s’il n’est que friponneau, il faut convenir qu’il n’y a qu’heur et malheur en fait de réputations comme en autre chose : car ce Pascal Paoli n’a pas