Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’il a été pris partout pour l’Adonis de la France. Si nos voyageurs et nos écrivains continuent sur ce noble ton, on ne dira pas que nous ne sommes jamais sortis d’enfance, mais que nous y sommes retombés.

Un Anglais, M. Jones, a bien voulu adresser en français une Lettre de correction fraternelle à M. Anquetil-Duperron, dans laquelle est compris l’Examen de sa traduction des livres attribués à Zoroastre. Cette brochure imprimée à Londres a cinquante-deux pages in-8° avec l’épigraphe tirée d’Horace :


Beatus Fannius ultro
Delatis capsis et imagine.

Ce Fannius, c’est M. Anquetil. Beatus, parce qu’il est au moins aussi content de sa personne que M. Le Franc de Pompignan l’est de la sienne. Delatis capsis, parce qu’il a déposé ses manuscrits et tous ses trésors à la Bibliothèque du roi. Ultro, de son propre mouvement, sans que personne le lui ait demandé. Et imagine, parce qu’on espère qu’il voudra bien y ajouter son portrait au teint de lis et de roses. La lettre admonitoire de M. Jones n’est pas tendre, mais celui à qui il a bien voulu donner les étrivières ne mérite pas d’être mieux traité. Après avoir relevé convenablement quelques-unes des impertinences que M. Anquetil a débitées sur l’Angleterre, M. Jones insiste sur la sottise d’un homme qui perd sa vie, et qui expose son teint fleuri à apprendre ce que personne ne sait, et ce qu’il n’est ni utile ni agréable de savoir. Il prouve ensuite assez clairement que M. Anquetil, avec toute sa morgue fondée sur ce qu’il se croit le seul homme en Europe qui sache l’ancienne langue des Perses, peut être véhémentement soupçonné de n’en avoir que des notions très superficielles et très confuses. Cette brochure est en général d’un homme éclairé et instruit, et d’un excellent esprit. Avec quelques corrections légères, et en effaçant plutôt qu’en ajoutant, on ferait de cette brochure un pamphlet que M. de Voltaire pourrait avouer. On sent que M. Jones a beaucoup lu cet écrivain illustre : on voit aussi qu’il n’est pas celui des étrangers qui soit le plus engoué de la musique française. On a fait à l’abbé Chappe l’honneur de le réfuter en Russie par une brochure intitulée Antidote. Les uns attribuent cet ouvrage à