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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/425

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la célèbre princesse Daschkof, d’autres à M. Falconet, sculpteur français, qui fait à Pétersbourg la statue de Pierre le Grand[1]. Il y a dans cet Antidote trop d’injures ; et la lettre de M. Jones est un modèle de la manière dont il faut traiter des étourdis qui font le tour du monde pour acquérir le droit de débiter des sottises.


15 janvier 1772.

Le 23 décembre de l’année dernière, on a donné, sur le théâtre de la Comédie-Française, la première représentation de la Mère jalouse, comédie en trois actes et en vers, par M. Barthe. Ce poëte, né à Marseille, est auteur de quelques autres petites pièces, dont la dernière, sous le titre des Fausses Infidélités, a eu beaucoup de succès. La Mère jalouse en a eu un très médiocre à la première représentation, quoique l’auteur fût en droit d’en espérer un très grand, d’après les applaudissements que sa pièce avait reçus aux lectures réitérées dans plusieurs cercles très nombreux et très brillants. Mais ce n’est pas la première fois que le public a pris la liberté d’infirmer les sentences de ces tribunaux subalternes, et que la réputation acquise dans des sociétés s’en est allée en fumée lorsqu’elle s’est exposée au grand air. La Mère jalouse n’a eu que sept représentations très faibles. On dit que M. Thomas, ami intime de l’auteur, se propose de prouver au public, dans le Mercure, qu’il a eu tort de ne pas juger cette pièce plus favorablement[2].

Pour moi, je croyais M. Barthe plus fort, et ses Fausses Infidélités m’en avaient fait concevoir de meilleures espérances. Mais tel élève réussit à rendre un petit croquis spirituellement touché, et se casse le nez quand il veut entreprendre un tableau. Celui de la Mère jalouse exigeait la plus grande vigueur de pinceau, et M. Barthe n’en a fait qu’une grisaille. Le vice dominant de sa pièce est la faiblesse : ce vice s’étend sur tout, sur l’intrigue, sur les caractères, sur le dialogue, sur le style ; nulle verve, nulle invention, nulle ressource dans l’imagination du poëte, nulle force comique, nul coloris ; un style brisé, des

  1. Voir tome VIII, p. 301.
  2. Le morceau de Thomas annoncé ici se trouve t.  IV, p. 548 de ses Œuvres Paris, Verdière, 1825.