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Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 9.djvu/98

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de grands applaudissements. La plupart de ces fables sont ingénieuses.

M. de Saint-Lambert a lu ensuite le second chant d’un poëme sur le Génie qu’il a depuis vingt ans dans son portefeuille, et qui n’est pas achevé ; je le croyais même entièrement abandonné. Si cela est, cette lecture ne lui donnera pas le courage de le reprendre ; le public l’a accueillie très froidement.

Quelques jours après sa réception, M. de Saint-Lambert a fait paraître une brochure intitulée les Deux Amis, conte iroquois.

Vous aimerez certainement la chanson d’Érimé : Ils partent, les deux amis ; mais il n’en fallait faire qu’une dans tout le conte, ou ne pas faire les autres sur le même moule. On ne saurait être trop court quand on conte, et l’on doit se souvenir de la leçon de Mme Geoffrin. M. le comte de Coigny, étant un jour à dîner chez elle, faisait des contes qui ne finissaient point ; on apporta un aloyau, et il tira, pour en servir, un petit couteau de sa poche, tout en continuant ses contes. Mme Geoffrin, impatientée, lui dit : « Monsieur le comte, il faut avoir de grands couteaux et de petits contes. »

S’il faut à M. de Saint-Lambert une leçon plus énergique, qu’il se rappelle celle du chevalier de Courten qui, excédé par un éternel conteur de ses bonnes fortunes, l’interrompit et lui dit en colère : « Monsieur, avez-vous connu feu l’abbé de la Trappe ? Oui ? Eh bien, je l’ai f… Voilà, monsieur, comme il faut conter. »


LETTRE DE M. DE VOLTAIRE À MADAME NECKER.

Vous qui chez la belle Hypathie,
Tous les vendredis raisonnez
De vertu, de philosophie,
Et tant d’exemples en donnez,
Vous saurez que dans ma retraite
Est venu Phidias Pigal
Pour dessiner l’original
De mon vieux et mince squelette.
Chacun rit vers le mont Jura
En voyant ces honneurs insignes ;
Mais la France entière dira
Combien vous seuls en étiez dignes.