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[…] à l’œil si pénétrant, au sourire si fortement empreint de malice, à la parole si aisément sarcastique.

Je résolus d’entrer dans son âme par l’intermédiaire du drogman.

Ce grand homme froid avait, jusqu’à la fin du repas, occupé une place secondaire parmi nous. Son cerveau nous semblait fait pour convertir le japonais en français et réciproquement. Quant à son esprit, à tort ou à raison, nous le jugions d’une parfaite nullité. — Les malheureux interprètes sont partout considérés comme des instruments qui doivent rester muets lorsqu’on ne veut pas en faire vibrer les notes.

Naturellement toute notre attention s’était concentrée sur Kouen-fou, et le drogman eut fort risqué de demeurer jusqu’à la fin dans l’ombre, si l’idée ne m’était pas subitement venue de le faire servir à mes projets.

« Ce personnage, pensais-je, doit avoir une dose quelconque de vanité : Il faut appuyer sur cette corde sensible ; sa longue intimité avec Kouen-fou lui a probablement fait pénétrer plus d’un secret qui ne nous serait jamais directement dévoilé ; — la société l’invite sans doute rarement à la conversation. Ma démarche officieuse l’éblouira et le jettera tête baissée dans le piège. »

Après ces réflexions, je me tournai vers l’interprète, l’entraînai à l’écart et lui fis cette ouverture :