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— En vérité, monsieur, vous nous rendez jaloux ! Votre connaissance parfaite de deux langues si diamétralement opposées nous fait rougir de notre ignorance ! Charles Quint l’a dit : On est autant de fois homme que l’on sait de langues différentes. Je salue en vous, monsieur, le citoyen du monde entier. Combien vous nous surpassez !

À cet exorde, l’interprète répliqua par une phrase banale de modeste remerciement pour la bonne opinion que j’avais de lui et par un sourire que j’accueillis comme d’excellent augure.

Les esprits supérieurs se défient des louanges.

Mon homme, au contraire, charmé de mes éloges, devint moins avare de paroles, je l’attirai sur le terrain de la Chine et du Japon, et l’interrogeai sur ses premières relations avec Kouen-fou.

Je tins alors à piquer son amour-propre ; je le pris comme juge, et lui demandai quel était, à son avis, la valeur réelle du kami.

— Kouen-fou, me répondit-il, est un lettré fort distingué : il voyage en Europe pour étudier les mœurs ; il dresse un journal exact et circonstancié de ses impressions, et son mémoire aura, sans doute, l’insigne honneur d’être publié dans la gazette de Myako.

— Et vous avez probablement lu, repartis-je, ce précieux manuscrit ?