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— Nullement, Kouen-fou le surveille de près, et le tient prudemment éloigné de tous les regards.

— Ah ! lui dis-je, je vous crois trop dans l’intimité de Kouen-fou pour supposer qu’il vous refuserait de vous le communiquer si vous en manifestiez le moindre désir.

— Je l’ignore, balbutia le drogman, qui, d’une part, ne voulut pas trop s’avancer, et, de l’autre, craignait de se déprécier à mes yeux.

— Allons, repris-je avec assurance, pour l’honneur de l’Europe dont vous êtes un des plus dignes représentants, je ne doute pas que votre habileté ne puisse triompher des scrupules d’un Japonais. Quoi ! un manuscrit où nos compatriotes sont mis en scène serait écrit chez nous et franchirait la frontière clandestinement sans nous dire ce qu’il contient à notre adresse ! Non pas. Les choses ne se passent plus ainsi. Vous voudrez savoir, monsieur, si notre affectueuse hospitalité est payée de reconnaissance ou d’ingratitude, si ce philosophe au sourire narquois n’est pas un de ces dédaigneux retardataires qui proclament démence notre belle civilisation, et qui raillent ce qu’ils sont incapables d’apprécier ; vous voudrez enfin juger avec votre esprit éclairé le talent littéraire de Kouen-fou et sa profondeur philosophique.

— Je vous promets, monsieur, répliqua l’interprète, que si l’occasion favorable se présente…