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— Les occasions, monsieur, on les crée ; un homme tel que vous les fait naître à volonté ; avant peu, vous nous montrerez le manuscrit dont vous voudrez bien, à titre d’ami, nous faire une lecture en petit comité ; — l’ouvrage lu, tout rentrera dans l’ordre, et Kouen-fou ne soupçonnera en rien notre innocent larcin. Souvenez-vous de cette vérité que Shakespeare attribuait méchamment aux maris : Celui à qui l’on prend un objet dont il n’a pas besoin, tant qu’il l’ignore n’a rien perdu.

— Je vous jure, me dit gravement l’interprète en me serrant la main, que je ferai tous mes efforts…

— Votre parole équivaut à la réalisation de mes souhaits, répliquai-je. Maintenant je ne forme plus qu’un vœu. Puis-je, dans trois jours, compter sur votre présence à un raout intime que je me propose d’offrir aux convives de mon ami Martial ? Nous nous vengerons de l’absence probable du requin au gingembre, sur le champagne et le johannisberg ! Aimez-vous le champagne ?

— Sans nul doute, répondit l’interprète, c’est le seul vin qui rappelle à l’étranger la gaieté pétillante des Français. Le champagne, c’est un peu le symbole du caractère de vos compatriotes.

Mon invitation fut acceptée. Le lendemain, je courus chez un négociant d’Aï, et fis expédier chez l’interprète trois paniers de champagne du meilleur cru. Pour voiler