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IMPRESSIONS DES ANNAMITES

On était alors au beau temps des fantômes, des spectres, des apparitions impalpables ; M. Robin s’en était constitué le grand prêtre. L’ambassade presque entière se rend un soir dans sa petite salle du boulevard du Temple ; les Annamites subissent assez bravement les premières opérations magiques, mais sont pris d’un vif sentiment d’inquiétude à la vue de ces spectres vivants qu’un souffle fait évanouir ; cette inquiétude se change en stupeur quand ils distinguent sur la scène le fantôme d’un de leurs compagnons. Vous jugez de leur angoisse ! Ils cherchent autour d’eux leur frère ; il n’y est plus ; ce n’est donc pas une illusion ; — ils croient à un guet-apens et sont sur le point de s’élancer dans la rue ; ils hésitent pourtant comme foudroyés par ce coup imprévu. Deux minutes après, — minutes longues d’un siècle, — ils entendent un bruit de pas derrière eux ; la porte de leur loge s’ouvre bruyamment ; — plus de doute, on se prépare à les assassiner ; ils se lèvent, pressent instinctivement la poignée de leurs armes, lorsqu’ils voient entrer, avec la physionomie souriante, leur compatriote qu’ils supposaient à jamais perdu.

Eh bien ! Pétrus, homme crédule s’il en fut, puisqu’il croyait à la vertu de certaine demoiselle dont nous avons parlé plus haut, Pétrus nous contait ce petit épisode en véritable esprit fort ; il nous jura n’avoir pas eu une seule minute de crainte.