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conscience, que je me blottis au fond du tonneau et fermai les yeux.

Tout à coup, un craquement épouvantable se fit au tour de moi, — l’eau envahit de toutes parts ma chaloupe et m’emporta violemment. Lorsque je sortis de l’engourdissement dans lequel m’avait plongé ma subite immersion, j’étais entouré d’un groupe d’hommes aux visages pâles qui reçurent mon premier regard par des cris de joie dont le bruit me causa une horrible frayeur. On m’apaisa et je fus bientôt sur pied. Je me trouvais dans un navire déployant de larges voiles au vent et voguant sur une masse d’eau qui ressemblait étonnamment au ciel bleu ; — je sus plus tard que j’avais été recueilli par un bâtiment hollandais qui cinglait vers le Japon, et qu’après Dieu, je devais la vie aux matelots européens.

Mes nouveaux compagnons me traitèrent d’abord avec compassion ; pourtant, comme il est admis que tous les services se payent, ils m’obligèrent à des travaux fort pénibles, et, après m’avoir sauvé, ils m’auraient volontiers fait mourir sous leurs coups, si le bonheur n’avait pas voulu que notre vaisseau jetât l’ancre dans la baie de Nagasaki, à côté de Désima.

Comme chacun sait, Nagasaki est une grande ville japonaise qui ouvre depuis longtemps son port aux Chinois et aux Hollandais. Les Chinois y sont méprisés, mais à peu près libres ; les Hollandais y sont plus ho-