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norés, mais gardés à vue. On commerce avec eux, parce que, d’une part, les usages le commandent ; de l’autre, les traités. Les Japonais n’en agissent pas moins avec une extrême réserve à l’égard des étrangers, et leur prudence ressemble assez à celle de l’honnête homme qui se voit dans la nécessité de commercer avec des gens d’une probité suspecte. Aujourd’hui, notre empire est à la veille d’une inévitable dissolution ; — son isolement faisait sa force, et si les Européens mettent une fois leur pied gangrené sur son sol vierge, la pauvre contrée se corrompra comme le reste des mondes civilisés. — Si j’étais souverain d’un peuple honorable, je me garderais bien de livrer mes sujets au contact empesté d’hommes qui se font du vice et du parjure un marche-pied.

Désima, où sont parqués les Hollandais, n’est qu’une prison travestie, dont les habitants ont au moins la consolation d’entasser des millions, tandis que moi, pauvre enfant, au service d’une trentaine de mauvais drôles, je ne faisais qu’avancer plus avant dans l’infortune. — Grâce à mes yeux obliques et à mon teint jaunâtre, je trompai la vigilance des gardes japonais et me perdis au milieu de la foule dans les rues de Nagasaki.

Mon éducation allait commencer : un marchand de laque me reçut dans sa boutique et m’y employa.

J’appris chez mon premier patron, qui était pour tant fort honnête, que le commerçant doit plus compter