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cœur. Vous m’intéressez vivement ; vous avez de l’intelligence, mais pourquoi faut-il que vous ne soyez pas assez instruit pour pouvoir être un secrétaire utile et l’homme qu’il me faut !

« Bien, me dis-je, il faut changer nos plans. La vérité ressemble au soleil, elle éblouit. »

J’allai chez un brocanteur, qui m’habilla de la tête aux pieds, et fis une pause de deux heures chez un barbier, qui me frotta, me poudra, me huila si habilement que j’eus peine à me reconnaître en me plaçant devant une glace. J’achetai une paire de belles lunettes vertes qui donnaient à ma physionomie une superbe gravité.

Sans plus tarder, je me dirigeai au hasard chez un des deux lettrés qui m’avaient si honnêtement éconduit.

Je fis une entrée solennelle et fus reçu avec force salutations.

— Je viens auprès de vous, dis-je d’une voix assurée, parce que vous êtes le plus grand savant de toute cette région. Il vous faut un secrétaire et je brûle du désir de me réchauffer aux rayons de votre esprit. Je suis fils d’un docteur dont les ancêtres ont été très-fameux dans les lettres. Je lis le tibétain à livre ouvert et la langue aïno m’est assez familière. Mais tout cela n’est rien auprès de votre surprenante érudition.

Trois minutes après j’étais enrôlé secrétaire. J’en conclus que flatter, c’est réussir.