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De l’infime position de subalterne, je m’élevai, en passant des examens successifs, à la dignité de docteur ; je rasai ma tête et, dès lors la préséance me fut accordée dans les assemblées.

J’aime mon pays, mes concitoyens, mon devoir. Je fais le bien par instinct et non par politique. En résumé, je serais heureux, si quelque divinité cruelle n’avait pas jeté dans mon âme le germe d’une insatiable curiosité et d’une dévorante passion de voyage.

En vérité, c’est un principe sage que celui qui prescrit d’étouffer le feu de ses désirs. Le voyageur ressemble au conquérant et au fumeur d’opium. Rien ne peut assouvir ses penchants ; plus il a vu, plus il veut voir.

Le potentat belliqueux qui prend aujourd’hui une province en voudra demain prendre deux, et le fumeur d’opium qui aspire la première bouffée de narcotique signe son arrêt de mort aussi sûrement que le conquérant le malheur de ses sujets, et le voyageur le sien propre.

L’Être souverain du bien n’a certes pas inventé les navires ; je vois là l’œuvre d’un dieu du mal ; l’existence du voyageur est anormale. L’homme n’est pas fait pour vivre sans toit et errer à travers le monde sans amitié et sans famille. La vie ne doit pas être une course par monts et par vaux, mais une promenade dans une petite plaine uniforme. C’est être fou que de