Page:Cortambert - Impressions d'un japonais en France, 1864.pdf/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et troisièmement, que le maître qui veut se faire respecter doit être sévère.

Pendant la tempête, un seul homme, nommé Satrebil, conserva toute sa lucidité d’esprit et osa sourire devant les flots qui s’entre-choquaient autour de nous comme des montagnes dans un tremblement de terre.

À la poupe du navire, la main droite appuyée sur un débris de mât, la tête fixe, l’œil étincelant, il contemplait sans effroi le sublime spectacle de la mer en fureur, et, lorsque des lames s’abattaient sur lui, on eût dit que leur courroux était nul ou s’éteignait en le touchant.

Cet être singulier donnait, par son attitude, de l’assurance aux forts, de la terreur aux âmes timorées et superstitieuses, qui voulaient voir en lui l’agitateur secret de tous les éléments.

C’était bien, au physique et au moral, la plus étonnante créature que j’aie jamais vu.

Il avait les traits d’un Européen, mais la peau couverte d’un hâle si foncé, qu’on l’eût pris au premier abord pour un enfant d’Afrique. Sa barbe crépue, ses cheveux longs encadraient un visage plus fait pour intimider que pour attirer. Ses vêtements étaient en lambeaux, mais il les portait si noblement qu’on s’en apercevait à peine.

Cet étrange personnage parlait toutes les langues. Il connaissait l’histoire de tous les peuples.