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pourtant bien tendrement ! Fatigues, soucis, veilles prolongées, tortures, j’ai tout enduré pour eux. L’ingratitude est trop souvent la récompense de mes soins. Je m’y habitue. Mais pourquoi faut-il que mes fils que j’ai le plus aimés soient aujourd’hui mes persécuteurs ? Fatalité ! On dorlote les enfants, puis, un beau jour, ils vous poussent hors de votre demeure, et l’on part, l’esprit contrit, l’âme éteinte, le front plissé de rides. L’on part, et la dernière prière est encore pour eux. Le cœur des pères est sublime ou lâche !

Et là-dessus, cet homme étrange, devant qui j’étais sur le point de trembler deux minutes auparavant, cet homme se mit à fondre en larmes et à déplorer ses calamités.

— Mes chers enfants ! s’écriait-il, vous ne pouvez renier votre naissance. Vous m’avez aimé ; vous m’avez servi. Revenez à moi. Je vous pardonne !

Satrebil est un de ces rares discoureurs qui font réfléchir. Je finis par m’habituer à sa conversation brusque, figurée, âpre dans certains moments, mais forte au fond.

Évidemment, c’était un honnête homme ; il péchait peut-être par trop de radicalisme. Rien n’est absolu dans le monde. Quand bien même l’esprit s’efforce d’y arriver, les faits n’y parviennent jamais. Tout est mariage, tout est fusion, tout est mélange. L’absolu est un mythe.