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L’imagination ardente de Satrebil l’entraînait toujours trop loin ; dès le début d’une discussion, il était porté au paroxysme de l’exaltation. En ne ménageant pas sa puissance, il s’épuisait et tombait ensuite dans une sorte de prostration. — De là, ses plaintes et ses pleurs.

N’importe ! L’expérience qu’il avait des peuples et du système politique des principaux gouvernements d’Europe m’instruisit beaucoup. Je regrettai sincèrement qu’il fût obligé de nous quitter avant notre arrivée en France.

Lorsque, après avoir franchi l’Égypte, nous eûmes repris un bâtiment à Alexandrie, Satrebil m’annonça qu’il nous abandonnerait en Grèce, d’où il prendrait son vol pour le nord de la Turquie. — Il tint parole. L’heure de la séparation étant venue, et les rivages grecs se déployant à l’horizon, il nous fit ses adieux, nous promit de nous revoir, jura même de me rencontrer dans mes voyages en Europe, et, nous ayant serré fraternellement la main, il s’élança à la mer par-dessus le pont du vaisseau. Nous poussâmes un cri d’effroi, mais il nous rassura bientôt et nous dit qu’un poète anglais, également passionné pour la liberté, en avait fait bien d’autres. Puis il battit l’eau de ses mains et s’éloigna.