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victimes de la centralisation et de l’absurde réprobation que leur inspire le commerce, se compense grandement par les mille et une humiliations qu’ils éprouvent chaque jour.

Celui-ci, par exemple, donne par an deux soirées, quelquefois une seule, mais il est obligé d’implorer des bourses pour ses fils ; — quant à ses filles, n’ayant pas de dot, elles n’auront pas de maris.

Sa vie entière n’est qu’un perpétuel calcul d’économie et qu’une incessante poursuite de créanciers. Sa femme est couverte de soie, et lui-même fait honneur à tous les salons. Mais venez demain, vous le trouverez cirant ses bottes pendant que sa femme aide au ménage ; tous deux, déjeunant avec une tasse de café et, le soir, dînant sans vin d’un peu de beurre et de pain dur.

— Comment ! dis-je à Francœur, le gouvernement attire-t-il ces employés à le servir ?

— Il ne les attire point, ils viennent, ils supplient, ils se précipitent ; — ils courent se livrer au char gouvernemental, qui les écrase comme ces fanatiques d’Asie sous le char des divinités hindoues. C’est par centaines de mille qu’il faut compter les postulants ; on a beau prodiguer les difficultés et les entraves, rien n’y fait le nombre augmente ; trois, quatre, cinq années de noviciat stupide et de travail infécond ne rebutent personne ; ils se précipitent, vous dis-je ! Quant