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à vous expliquer la cause d’une telle aberration d’idée qui fait que tant de personnes intelligentes préfèrent cette existence d’esclave aux jouissances de la vie indépendante que donnent l’industrie, le commerce, l’agriculture, je ne saurais le faire ; je le constate et c’est tout. Aussi débordons-nous de trop plein, lorsque nos colonies désertes voient s’éteindre leurs derniers planteurs ; aussi l’univers, si vaste et si beau, qui provoque les nations voisines, qui les fait grandes, riches, florissantes ; l’univers, avec toutes ses merveilleuses productions, semble fermé à la France.

Francœur allait s’échauffer, je l’arrêtai.

— Nous faisons des études de mœurs, lui dis-je. Quelle est cette dame un peu maigre, mais fort belle, qui valse avec tant d’abandon ?

Mon guide poussa deux mélancoliques soupirs, puis souriant, me répondit :

— Cette femme est belle, c’est vrai ; charmante, j’en sais quelque chose ; mais coquette, et cela gâte tout. Tenez, voyez les regards qu’elle vous jette, elle provoque tous les hommages, accepte tous les soupirs, accapare toutes les adorations ; si votre gravité vous permettait toutes ces évolutions cadencées qui semblent avoir tant de charme pour les gens qui nous entourent, vous sentiriez, non sans émotion, je vous assure, son corps souple et brûlant frémir dans vos bras ; sa main presserait la vôtre, et cet œil noir que vous admirez, plon-