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femme que j’avais aimée, Lio-Kama de Nagasaki. Son regard modeste, son air enfantin contrastaient avec sa toilette ; elle semblait honteuse d’être si belle et de le faire voir. L’orchestre jouait une valse ; la jeune fille bondit bientôt au bras d’un élégant cavalier ; je la suivais presque enivré. Lorsqu’elle revint auprès de moi, le bras gracieusement arrondi, soutenue par son danseur, je ne pus maîtriser une sorte d’extase : ses épaules gracieuses, frémissantes, palpitantes, me fascinèrent, me subjuguèrent ! Ma foi ! je perdis la tête, mon indignation céda devant ma faiblesse ; aussi, j’ai honte de le dire, j’admirai ! j’oubliai mon âge, ma position, ma gravité, la vertu ; j’admirai, attendant avec une profonde impatience qu’une nouvelle évolution de la belle danseuse me permît de contempler encore tous ses charmes. Quant à Francœur, qui m’observait, il sourit légèrement ; mais si légèrement que ce fût, je compris la leçon ; je rougis et rougis d’autant plus, que d’autres regards, regards lubriques, s’attachaient sur la chaste jeune fille, inconsciente de l’effet produit et, sans doute, en ignorant la cause.

— Voilà la chasse au mariage ! me dit Francœur. La mère, par une négligence étudiée, par un savant oubli, a laissé à la jeune vierge un corsage trop large, une épaulette trop basse, permettant ainsi aux prétendants de fouiller à l’aise et de scruter en public les secrètes beautés de sa fille ; les jeunes gens, les vieillards