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de notre ville de Yédo. Je m’occupe en ce moment d’un grand ouvrage sur la politique et le caractère des nations d’Europe. Mon édifice se compose déjà d’un nombre considérable de matériaux ; mais il me faut, pour couronner mon œuvre, des pierres choisies par ta main.

« Permets-moi, illustre ami, de te poser quelques questions. Ne déguise rien ; que ta parole soit franche et sonore comme le gong frappé par le célèbre bonze Oratsi-kou.

« Quels sont les penchants actuels des Européens ? J’ai beau m’ingénier à saisir le fil de ce problème, je n’y comprends absolument rien. Ont-ils une conviction religieuse, artistique et littéraire ?

« Retrace-moi à larges traits l’histoire de tous ces barbares ; — seraient-ils plus civilisés et plus grands que nous ? dis-le-moi en toute franchise. — Tu sais que ma mémoire d’écrivain ne se rappelle que ce qui est favorable à notre patrie. N’est-ce pas là agir en bon citoyen ? Ne doit-on pas chercher à enregistrer tous les travers, tous les vices des autres peuples, afin de pouvoir en présenter plus tard le hideux faisceau à sa patrie et lui dire : « Tu es le plus grand pays du monde, tous les autres peuples te regardent avec admiration et se courbent devant ta gloire. » Voilà, très-vénéré docteur, ce que je voudrais rapporter à nos concitoyens, grâce à tes scrupuleuses informations.