Page:Cortambert - Impressions d'un japonais en France, 1864.pdf/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

politique de l’Europe, mais tu ignores que tout s’enchaîne en cette brûlante matière ; tu ne sembles pas savoir que si, en traitant la politique de l’extrême Occident, j’allais effleurer l’épiderme de mon syogoun, le ciel deviendrait peut-être pour moi aussi noir que par un temps de typhon. Je vais pourtant m’efforcer d’esquisser la chose à la hâte, persuadé que Son Altesse, au lieu d’amasser les orages au-dessus de ma tête, me saura gré de parler en toute franchise et reconnaîtra que le sujet qui veut détruire ne marche pas tête levée, mais fouille dans l’ombre à la base du monument. D’ailleurs, n’est-il pas dit qu’on doit la vérité aux souverains et aux mendiants, parce que les uns sont au-dessus de l’éloge, les autres au-dessous ? Je me comprends, tu m’entends, il me comprendra. Passons.

« Te souviens-tu de l’étrange et maniaque lettré Sikokou ? C’était un petit homme à l’air singulièrement ironique. Il portait la tête sur l’épaule gauche, marchait à petits pas, mais toujours très-vite ; il vous regardait jusqu’au fond de l’âme et se mettait à partir d’un éclat de rire. Ses yeux scintillaient comme deux étoiles, et ses lèvres grimaçaient à chaque phrase que prononçaient ses interlocuteurs. On eut dit qu’il se moquait de tout, même de lui. Bref, s’il n’eut pas eu sa bizarre collection d’animaux, nous aurions, toi et moi, laissé le cher docteur à ses satires et à ses cruelles reparties ; mais les animaux faisaient passer l’homme. Rap-