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« Où est le Conseiller ?... Conseille-moi. — Seigneur, celui qui t’a procuré celui-ci y ajoutera les deux autres. »

Le Sultan fit appeler le fils du marchand. « J’exige que tu m’en complètes le nombre . Ta mère restera sous les yeux de mes gardes en otage. Si tu reviens avec, nous te récompenserons plus que suffisamment. Si tu ne les rapportes pas, tu auras la tête tranchée, c’est chose décidée. — Bien, Seigneur. Mais à mon tour, je vous demande de me fournir deux esclaves noirs, des montures et des provisions pour deux mois. » Le voyage était court et non de deux mois, mais il ne voulait pas que le Sultan sût où il allait. Celui-ci lui donna deux esclaves noirs et des provisions de bouche et il partit à vive allure.

Quand le fils du marchand reconnut qu’il était proche de l’endroit où il avait trouvé le rubis, il fit arrêter ses esclaves à une certaine distance et s’avança seul. Il avait changé ses vêtements pour ne pas être reconnu et il avait prié Dieu. « Mon Dieu, je te demande de me faire retrouver aujourd’hui le bien que je fis jadis avec de l’argent honnêtement gagné. » Quand le crépuscule vint, il distingua la jeune fille. Elle était toujours pendue par les pieds. Sa tête, tombant vers le sol, y laissait s’égoutter du sang. Quand la nuit fut venue, il aperçut une nuée noire qui se dirigeait vers lui. On y entendait gronder le tonnerre. Elle vint se jeter sur l’arbre qui était là. Il en sortit un juif. Celui-ci détacha les liens de la jeune fille et lui lava la tête dans le bassin. Il la mit ensuite sur ses pieds. Alors Rubis apparut. Elle était bien un vrai rubis ! Le juif prit un gourdin qu’il portait sous ses habits et lui en asséna un coup. « Tu me prendras pour mari et tu te convertiras à ma religion. — Jamais ! Tu peux me dépecer la chair, je ne t’épouserai pas. » À chaque coup qu’il lui donnait, il la sollicitait de le prendre pour mari, mais en vain. Elle ajoutait : « Quand tu embrasserais ma religion, je ne t’épouserais pas. » Le fils du marchand fut indigné de tant de cruauté. Aussi le juif n’avait pas abattu son bâton pour la septième fois, que, de son épée bien assurée, il le frappa et, d’un seul coup, le partagea en deux.

La jeune fille poussa une stridente ululation de joie. Elle jeta la main sur lui. « Tu seras, lui dit-elle, mon mari en légitime mariage ! » Il l’emporta de dessous cet arbre et l’éloigna de cet endroit. « Raconte-moi ton histoire. — Seigneur, je suis la fille du roi des Génies, Labiod Eliaqouti. Mon nom est Rubis. Il y a aujourd’hui exactement un an, jour pour jour, que ce juif me torturait, comme tu l’as vu faire, depuis le moment où la nuit est tombée