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Page:Cosquin - Les Contes indiens et l’Occident, 1922.djvu/16

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jusqu’à celui où l’aube approche. Il me rouait de coups pour que je consentisse à l’épouser. Il me faisait subir un égorgement magique pour m’effrayer. Mais je m’y refusais toujours. — Comment s’était-il emparé de toi ? — J’étais assise dans mon château quand j’entendis venir une rafale. Cette rafale m’emporta et je me trouvai plongée dans le bassin que tu as vu. « Je te prends pour femme, me dit le juif. — Non ! » Depuis, chaque fois qu’il venait, il me donnait cent coups et m’ouvrait la gorge avant de se retirer. Le sang qui coulait de mon cou devenait des rubis qu’il emportait. Je suis la fille du roi Labiod Eliaqouti qui règne sur les Génies habitant le fond de la mer. »

Quand le jour parut, il revint sur les lieux, mais il chercha en vain un rubis : il ne trouva rien.

Il emmena la jeune fille à l’endroit où il avait laissé ses nègres. Il la fit asseoir sur une mule. « Je te demande, lui dit-elle, de me conduire auprès de mes parents. Je veux prendre ce dont j’ai besoin en fait de présents et de parures. — Bien. » Ils gagnèrent, à vive allure, le bord de la mer. Elle descendit de sa monture. « Attends-moi ici, je serai bientôt de retour. — Je ne te lâche pas, lui dit-il, avant que tu te sois engagée par serment. » Elle lui jura qu’elle reviendrait. Et aussitôt elle plongea dans la mer et disparut. Il l’attendait auprès de l’endroit où elle avait plongé, quand il aperçut au loin une troupe de cavaliers qui accouraient bride abattue. Il resta surpris. En un clin d’œil ils furent près de lui. Rubis, couverte d’or au point d’en être alourdie, était assise dans une litière comme celle des filles de rois. Dix servantes venaient derrière elle, puis deux nègres et enfin un homme qui avait toute l’apparence d’un ogre. Celui-ci prit la parole. « Seigneur, lui dit-il, mon maître te salue. Il te fait dire : « Qu’Allah ajoute encore à ton bonheur et à ta bravoure ! » Voici un an entier qu’il envoyait ses serviteurs sans qu’ils pussent se rendre maîtres de ce maudit. Et aujourd’hui tu as délivré sa fille et, avec elle, une foule de jeunes filles. Il te fait dire : « Fais d’elle ta femme ; fais d’elle, si tu le veux, ta servante. Et va en paix. » À peine lui avait-il ainsi souhaité un heureux retour, que ce personnage plongea dans le sein de la mer avec son cheval.

En un instant, le cortège se trouva devant la ville d’où le fils du marchand était parti à la recherche des rubis. Les habitants admirèrent ses litières dont l’or et l’argent jetaient des éclairs. Servantes, nègres, bêtes de charge, tous étaient des génies du fond de la mer. Personne cependant n’annonça au Sultan la venue du