Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
les voies de l’amour

la salle pendant que les flammes repoussées léchaient les chenets. Sur la table du festin, les bougies rouges achevaient de se consumer et la cire en tombait comme des grosses gouttes de sang qui se figeaient sur la nappe autour des candélabres, tableau bien propre à rappeler aux médecins les heures d’angoisse de leur pratique et de susciter à leur mémoire de nombreux souvenirs. La pénombre qui envahissait la salle, maintenant insuffisamment éclairée par les petites ampoules électriques au verre coloré et dépoli, ramenait leurs pensées bien loin en arrière au temps où, le soir, il fallait éteindre les becs de gaz et remplacer leur flamme éclairante par celle toute petite et toute tremblante des chandelles qu’ils plantaient dans le goulot d’une bouteille ou d’un flacon, précaution bien utile pour ne pas être asphyxiés quand ils administraient le chloroforme à leurs parturientes ; et dans cette pénombre d’autrefois combien les petites gouttes de sang leur paraissaient grandes et combien l’imagination les faisait plus rutilantes.

Les six amis réunis autour de la table étaient des hommes instruits, des médecins habiles, à la mémoire vivace et un rien leur rappelait tant de choses, tant de faits, qu’ils auraient pu raconter, pendant des jours et des jours, l’histoire comique ou tragique de leur longue pratique. Le couteau ou la cuiller qu’il tenait en main disaient à l’un d’eux les repas qu’il avait été obligé de