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Page:Coubertin - Conférence faite à la Sorbonne au Jubilé de l’U.S.F.S.A. (Manuscrit de novembre 1892).pdf/9

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quelques jours. Lorsque la gymnastique Suédoise n’aura plus de prétentions que sur les malades et les faibles je ne vois pas ce qui l’empêcherait de faire le tour du monde et pour ma part, je n’aurais nulle objection à l’y aider.

III

Et mainte Nous avons déjà dit, messieurs, au début de cet entretien quelle était l’erreur de ceux qui croient le goût des exercices physiques assez profondément ancré chez les Anglais pour n’avoir jamais subi d’éclipse. Ceux là imaginent volontiers que ce qu’ils voient a toujours existé ; une Angleterre sans le sport leur paraît un contre-sens. Or ce contre-sens a marqué toute la fin du siècle dernier et le commencement du nôtre. Les jeux étaient populaires étaient tombés en désuétude, l’accaparement du droit de chasse résultant de la constitution de la grande propriété avait privé la petite bourgeoisie rurale de son plaisir favori et si l’on voit ça et là des boxeurs s’entretuer ou bien quelque course à l’aviron se disputer sur la Tamise, c’est entre professionnels pour procurer aux spectateurs le plaisir de perdre leur argent en paris exagérés. Rien de sportif, rien d’athlétique. L’Angleterre d’alors ne connaît que deux distractions : faire des affaires plus ou moins honnêtement et se griser plus ou moins complètement. Le collège est une réduction de la Société. Nul esprit de solidarité, entre maîtres et élèves l’indifférence du côté des maîtres, la loi du plus fort parmi du côté des élèves. On ne prévoit certes pas, en étudiant cet organisme grossier et informe tout ce que le génie d’un homme éducateur en fera sortir de raffinement et de délicatesse. Car, — je vais ici à l’encontre d’un préjugé courant en France — il n’y a pas, dans le monde, de système d’éducation plus raffiné, plus délicat et plus tendre vis-à-vis de la jeunesse que le système Anglais actuel ; les dehors sont trompeurs.

L’athlétisme anglais, messieurs, ne date que d’hier et déjà il envahit le monde. L’histoire de ce grand mouvement n’a pas encore été écrite mais on en connaît les grandes lignes principales. Les noms du chanoine Kingsley et de ses adeptes ne sont pas encore descendus bien avant dans le passé : soixante années ont suffi à cette prodigieuse transformation. Les premiers ouvriers s’inquiétaient moins de faire école que de se procurer à eux-mêmes de vaines jouissances. Ils voyaient loin cependant. Une certaine lueur philosophique