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avant-propos.

À quoi, dès lors, se réduit le rôle de l’historien ? Il n’a pas de secrets à pénétrer, de négociations mystérieuses, de desseins ténébreux à débrouiller ; les hommes d’État dont il étudie la politique n’ont point à lui livrer le détail de leur vie privée ; il ne voit en eux que les serviteurs de la démocratie, appelés à exécuter ses ordres bien plus qu’à inspirer sa conduite. La presse a noté, au jour le jour, leurs paroles et leurs actes ; dans cet amas de faits projetés en pleine lumière il n’a qu’à choisir, qu’à séparer ce qui a de la portée de ce qui n’en a point, qu’à apprécier la valeur plus ou moins grande de chaque renseignement. Il opère comme le chimiste qui disjoint les corps les uns des autres ; il analyse la combinaison et n’a pas à dire si elle est bonne ou mauvaise.

Pour peu qu’il se soit abstenu des luttes que sa plume va décrire, sa qualité de spectateur le sert, bien loin de lui nuire. Elle lui procure des sources d’information et des moyens de contrôle que son successeur n’aura pas. Il faut étudier l’histoire de tout près ou de très loin ; la période intermédiaire est moins propice aux saines appréciations ; il arrive souvent que les contemporains ont des clairvoyances qui étonnent leurs descendants ; dans ce siècle, Mirabeau et Alexis de Tocqueville en ont donné des exemples frappants, et bien des documents privés, mis au jour par les éditeurs de Mémoires, montrent que la génération de 1789 eut