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Page:Coubertin - L Evolution Francaise sous la Troisième République, 1896.djvu/119

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l’alerte de 1875

dans le pays, eut le bon sens de s’en contenter ; elle ne fut désapprouvée que par les entrepreneurs de patriotisme, toujours prêts à compromettre leur patrie sous prétexte de sauvegarder sa dignité.

Il arriva, une fois de plus, que l’attitude la plus honnête fut en même temps la plus habile : nous tirâmes un réel profit de ce Congrès de Berlin, où nos représentants firent preuve des qualités qui nous avaient le plus fait défaut sous le régime précédent : le désintéressement, la sagesse, le calme ; on fut agréablement surpris de s’apercevoir que la République ressemblait si peu à ce qu’on avait auguré. M. Waddington s’était d’ailleurs assuré que certains sujets seraient réservés, que ni la question d’Égypte, ni celle de Syrie ne viendraient sur le tapis, et que le protectorat exercé par la France sur les Lieux Saints ne serait aucunement discuté[1]. Au Congrès, il se garda de provoquer une « offre de compensations », mais prévint les plénipotentiaires et lord Salisbury en particulier de l’éventualité d’une intervention française en Tunisie. La neutralité de l’Angleterre nous fut ainsi assurée, et lorsque, plus tard, nos troupes débarquèrent en Tunisie, les menaces de l’Italie n’éveillèrent aucun écho en Europe et notre action

  1. L’Angleterre avait été forcée d’y consentir ; on a dit que, ne pouvant se flatter d’obtenir l’Égypte, elle avait proposé secrètement à l’Autriche une entente pour le partage d’une sorte de protectorat moral de l’Empire ottoman ; si la chose est vraie, il n’est pas surprenant que l’empereur François-Joseph et le comte Andrassy aient écarté une proposition si osée. En tous les cas, l’Angleterre se procura directement « un morceau de choix ». Le 4 juin, un traité secret fut signé entre son gouvernement et celui du Sultan ; il avait trait à l’île de Chypre qui fut occupée aussitôt. La rédaction de ce traité présentait cette particularité que l’Angleterre stipulait des réformes « dans les provinces asiatiques de l’Empire ottoman » en compensation de l’administration de l’île de Chypre dont elle consentait à se charger.