taient. Au Sénat, le duc de Broglie se fit l’interprète des bruits qui représentaient le gouvernement comme résolu à occuper, après Tunis, Tripoli.
Ce fut bien pis quand on sut que l’effort principal restait à faire et qu’une révolte arabe montait des profondeurs du Sud, comme un vent de simoun, menaçant non seulement la Tunisie, mais l’ensemble de nos possessions d’Algérie. On parla d’évacuer la nouvelle conquête, tout comme, à l’avènement de Louis-Philippe, on avait parlé d’abandonner Alger. Une majorité de 13 voix, qui comprenait les ministres eux-mêmes, sauva le protectorat. Et, précisément, les élections approchaient. Un débordement de violences signala l’ouverture de la période électorale[1].
Cependant nos soldats avaient repris, courageusement, le chemin de la Régence ; plus sérieuse, cette seconde expédition fut néanmoins peu sanglante et peu coûteuse[2].
- ↑ « La fatale expédition de Tunisie sur laquelle le gouvernement a fait volontairement l’obscurité n’a pas eu seulement pour conséquence l’embrasement de l’Afrique, mais nous met à dos toute l’Europe, à la grande joie de l’Allemagne. » Ces mots extraits du manifeste publié par les « députés de Paris » MM. Louis Blanc, Barodet, Clemenceau, de Lanessan, peuvent donner une idée du diapason auquel s’élevaient les violences électorales.
- ↑ Le ministère était surtout attaquable pour ses procédés. L’expédition coûta en tout : 4 millions pour la première phase et 13,431,000 francs pour la seconde. « Rarement, c’est aujourd’hui un fait incontestable, dit M. d’Estournelles, entreprise semblable fut moins onéreuse. » Aussi les critiques sérieuses comme celles de M. Buffet au Sénat, portèrent non sur le chiffre, mais sur le procédé ; on avait opéré des virements, prélevé ce qui manquait pour le corps expéditionnaire sur les crédits affectés à l’entretien normal de l’armée en France. Le gouvernement répondit que les dépenses du corps expéditionnaire, tout en étant plus considérables que celles entraînées par son entretien en France, n’étaient pas d’une nature différente. Le Sénat donna tort à M. Ballet par 170 voix contre 95 ; un tel vote s’imposait ; on n’en conçut pas moins quelque inquiétude à l’endroit de la théorie du gouvernement, dangereuse dans la pratique, car avec un pareil système on peut appliquer à l’état de guerre tout un budget militaire voté pour l’état de paix et se passer, pour entamer une lutte, peut-être grosse de conséquences, de la sanction du Parlement.