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la crise (1885-1889).

au Président de la République une lettre de protestation, incorrecte dans la forme, noble et droite dans le fond ; le gouvernement dut riposter par un arrêté d’expulsion, et le prince, en quittant la France, lui fit un royal cadeau : il légua à l’Institut, dont il était membre, le château restauré de Chantilly et les merveilles qui s’y trouvaient entassées[1].

Le fait que ces incidents n’avaient pas exercé d’influence sur le résultat des scrutins et que nulle émotion ne se traduisait dans les milieux électoraux, dessilla les yeux de quelques conservateurs ; l’un d’eux, M. Edgar Raoul-Duval, s’employa à fonder une « droite républicaine » ; il n’y parvint pas ; à d’autres en devait revenir l’honneur. Mais le remarquable discours qu’il prononça pendant la discussion du budget de 1887 demeurera comme un monument de sens et d’honnêteté politiques[2].

Ce budget mérite dans l’histoire un peu incolore des budgets de la République une place à part, à cause de la sincérité courageuse avec laquelle il fut préparé par le ministre des finances, M. Sadi-Carnot. Un an plus tôt, en

  1. En parfait contraste avec cette conduite chevaleresque, se dessinait l’attitude du général Boulanger, ministre de la guerre ; étant sous les ordres du duc d’Aumale, le général lui avait jadis adressé quelques lettres où il entrait plus d’esprit de courtisanerie que de respect hiérarchique militaire. Ces lettres furent publiées : le ministre de la guerre nia d’abord les avoir écrites et fut bientôt convaincu de mensonge.
  2. L’initiative prise par M. Raoul-Duval répondait à un besoin qui se manifestait de plus en plus clairement aux yeux de tous les hommes politiques. « Comprendront-ils enfin, avait dit Jules Ferry le 18 août, à la séance d’ouverture de la session du conseil général des Vosges, qu’en dehors de la République franchement et résolument acceptée, il n’y a plus, pour les conservateurs dignes de ce nom, ni rôle politique sérieux à prétendre, ni action efficace à exercer sur les grands intérêts nationaux ? » Ces mêmes idées, reprises plus tard par M. Waldeck-Rousseau, lui inspirèrent un de ses plus éloquents discours.