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la république et l’église.

tions n’a pas d’écho dans le pays ; au bout de quelque temps, on les laisse rentrer ; l’opinion en est informée et fait le silence sur la question ; elle est satisfaite avec l’assurance que le « gouvernement des curés » ne s’établira pas ; tous les ministres la lui donnent successivement : M. Martin-Feuillée, M. Ribot, M. Casimir-Périer. Mais elle sait gré à M. Fallières de faire rejeter une proposition de Paul Bert tendant à désaffecter, au profit de la caisse des écoles, les biens domaniaux affectés au service du culte en dehors des prescriptions concordataires. Elle sait gré, en général, de tous les conflits qu’on lui évite et elle réclame le statu quo qui seul, elle le sent, peut maintenir la paix religieuse. Ce que le Français ne veut pas, c’est qu’on le force « d’aller à la messe ». Notez que des paysans qui jamais ne pénètrent dans l’église tiennent à en avoir une pour pouvoir y faire baptiser leurs enfants, s’y marier, y conduire le corps de leurs parents défunts ; l’homme éclairé, l’esprit supérieur qui se passe d’un culte formel désire de son côté que le culte dont il n’a plus besoin demeure à sa portée. De tels sentiments ne sont nulle part aussi développés qu’en France ; ils répondent aux plus profondes tendances de l’âme gauloise, éprise de la mort, et se plaisant à considérer, à travers la vie joyeuse, les perspectives troublantes et grandioses de l’au-delà. « Notre pays, dit M. Spuller, ne veut pas risquer son repos dans une série interminable de querelles et de difficultés religieuses. Il n’est pour cela ni assez catholique, ni assez protestant, ni même assez libre penseur. Il veut de la religion, mais à sa manière ; il en prend et il en laisse ; ce qu’il demande aux prêtres, c’est de rester dans leurs églises ; il les a en horreur dès qu’ils en