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la nation armée.

actions, dans leur histoire et dans leurs légendes, la joie de faire partie d’un tout dont l’origine est perdue dans la brume et dont l’avenir est indéfini[1] ». L’hymne national, à de certaines heures, l’exalte, mais il n’en entend pas la mélodie chanter continuellement au fond de son âme. Le drapeau, dans les grandes circonstances, soulève son enthousiasme, mais il ne conserve pas le reflet de ses couleurs, tout le jour, au fond de ses yeux. Tout différent est le vrai patriote : son portrait a été admirablement tracé par M. de Vogüé, dans un discours de distribution de prix prononcé au collège Stanislas. « Quelles que soient vos poursuites variées, disait l’éminent académicien à ses jeunes auditeurs, je sais l’objet commun qui vous donnera le plus de plaisir : c’est la grandeur de la France. Quand vous aurez une profession active, interrogez-vous chaque soir : Qu’ai-je fait aujourd’hui pour la grandeur de la France ? Tâchez de porter chaque jour quelque action à ce compte spécial, et, durant cette minute d’examen, écoutez ce que dit la vieille mère qui vous entoure de ses bras, dans l’ombre… Enfant, je t’ai fait avec de longues souffrances ; depuis quinze siècles, mes meilleurs fils ont peiné pour te préparer la suprême fierté de porter notre nom ; tu me dois le doux et libre berceau où la vie sourit mieux qu’ailleurs ; tu vas poursuivre ta fin particulière, chercher ton contentement, aise, gloire, richesse ; rien de plus légitime. Mais distrais pour moi quelque chose de ton effort. Je ne te demande pas seulement l’offre de ton sang dans les grands périls ; c’est trop facile, cela. Je te demande —

  1. E. Lavisse, Discours aux étudiants.