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la nation armée.

et c’est plus difficile — le sacrifice quotidien d’une paresse, d’un préjugé, d’une intolérance, d’une part de tes goûts et de tes convoilises individuelles, pour que tu me donnes à ce prix les éléments indispensables de ma force, l’union, la paix intime, la certitude d’être obéie. »

Du patriotisme ainsi compris, la République a fait, en France, une sorte de dogme ; elle l’impose ; elle regarde comme un crime de ne point y croire. Comment cela sera-t-il jugé par nos descendants ? Tout est évolution, dans cet univers, qu’il s’agisse des conditions matérielles ou des lois morales. Le patriotisme, comme la religion, changera encore de nature. Embrassera-t-il certains groupes de nations, puis l’humanité dans son ensemble, envisagée sous un certain angle philosophique ? Nul n’oserait le dire. Mais ce qui est certain, c’est qu’il représente pour le temps actuel une force d’une incalculable portée, de beaucoup la plus grande que les sociétés modernes aient eue à leur disposition ; et ce qui est probable, c’est que nulle des formes plus larges qu’il pourra revêtir dans l’avenir ne sera aussi productive d’enthousiasme. Les précédentes étaient trop étroites ; la prochaine sera trop vaste.

Nous avons dit comment les républicains, acceptant noblement la responsabilité des fautes que d’autres avaient commises, renoncèrent à la perspective, chère à beaucoup d’entre eux, de supprimer les armées permanentes et de les remplacer par des milices nationales. Mais, quel que fût le sentiment d’abnégation qui leur dictait cette conduite, le problème n’en restait pas moins ardu, de faire vivre l’armée et la République, l’une à côté de l’autre d’abord,