La France le guérit par l’influence de ses longs siècles de vertu et d’honnêteté dont il subit l’inconsciente poussée ; par la force des liens familiaux dont le réseau, doucement, se resserre autour de lui ; par la suggestion des nobles instincts et des grandes traditions dont le réveil se fait en son être. « Martyrs silencieux, sacrifices muets à la justice et à l’honneur, luttes qui n’ont pas de témoins, victoires qui n’ont pas de triomphes, écrit M. Jean Honcey[1], nous passons à côté de vous sans deviner votre existence, et c’est de vous pourtant que nous vivons. » C’est bien ainsi que le Français vit de la France. La nation a été cimentée si fortement que ce qui désagrégerait une autre nation l’entame à peine. 1870 en a donné, pour ainsi dire, une preuve collective ; la résistance de la famille française en est une preuve individuelle et quotidienne. Si l’étranger dont nous parlions tout à l’heure, non content de compulser et d’annoter des documents écrits, veut en contrôler l’exactitude sur des documents vivants, il s’arrêtera, interdit, devant ce problème déroulant, et, s’il est consciencieux, ne pouvant le résoudre, il se taira. Le fait, du reste, est digne de remarque ; ceux qui connaissent la France superficiellement ou l’étudient de loin ont toujours mille choses à en dire ; ils dénoncent ses torts, réforment ses institutions, découvrent le comment et le pourquoi de ses erreurs. Mais ceux qui y ont vécu longuement et ont pénétré dans le détail de son existence n’ont garde de risquer un jugement d’ensemble. Ils sont effrayés par les éléments contradictoires qu’il faudrait concilier pour apprécier ce
- ↑ Jean Honcey, Souffles nouveaux.