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les idées et les mœurs.

observance de ce qu’il a appelé le décalogue éternel. L’action du père y est prépondérante et sa domination absolue. Les enfants sont entraînés à la pratique des vertus viriles ; la mort est envisagée comme un accident normal, et l’essaimage au loin comme une loi inéluctable. Chez nous, une plus grande place est faite à la passion, au sentiment, au rêve ; la conception de la vie est différente : la vie elle-même est moins austère et plus attachante ; c’est que l’influence de la femme s’exerce puissamment. On a écrit sur la femme française des pages éloquentes qu’il est impossible de résumer autrement qu’en constatant un fait très simple et très considérable ; tandis que dans les autres pays le mouvement « féministe » va s’accentuant et produit déjà quelque désarroi sur les frontières familiales, en France, il avorte sans cesse ; ses manifestations déclamatoires ne provoquent que l’hilarité. La répugnance à favoriser toute tentative d’émancipation du sexe faible se manifeste même à l’égard de modifications qu’il serait utile d’introduire dans les textes législatifs et dont les conséquences ne sauraient alarmer personne. Pour acquérir une égalité illusoire, la femme française n’aura garde de renoncer au domaine dont elle a elle-même déterminé les limites, au rôle qu’elle s’est choisi, à la souveraineté dont elle s’est assuré la jouissance. Elle a su transformer le mariage en y introduisant des habitudes d’intimité, un équilibre harmonieux, une pénétration des âmes, une fusion des sentiments qui ne paraissent pas avoir existé dans le monde avant sa venue. Nul sacrifice ne lui coûte pour atteindre le but qu’elle se propose : la possession absolue et complète de son époux ; et dans son désir de lui plaire, d’être tou-