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les idées et les mœurs.

jours à ses côtés, elle ne craint pas les éclaboussures qui peuvent l’atteindre, lui, bien qu’en s’y exposant elle se fasse mal juger souvent. Ses enfants lui appartiennent avant tout ; elle ne les donne point à la cité, à la race ; elle se les donne à elle-même pour les aimer, les choyer, leur procurer ce dont elle a soif plus qu’aucune autre de ses semblables : du bonheur. Elle n’a ni l’insouciance du Midi au ciel bleu, ni la résignation du Nord brumeux ; elle prend du mal pour chasser les nuées, pour écarter l’orage ; elle aime d’autant mieux son soleil qu’il est un peu son œuvre ; les larmes seules arrivent à donner à sa ferveur religieuse une signification précise qui est d’obtenir, au delà de ce monde, la revanche du bonheur perdu.

Tel est l’être subtil, complexe, délicat dont l’analyse devrait précéder toute étude consacrée à notre pays. Les sociologues étrangers qui négligent cet indispensable avant-propos s’égarent dans l’édifice qu’ils ont oublié d’éclairer. Ils mettent la main, toutefois, sur un document accusateur et le brandissent victorieusement : la statistique de la population est pour eux le critérium de la certitude définitive ; entre les chiffres qu’elle aligne, ils font tenir tous les vices dont les grandes décadences sociales ont transmis le souvenir : ils font observer que la décroissance des excédents des naissances sur les décès n’est pas, en France, un phénomène accidentel auquel on puisse assigner des causes secondaires et passagères, car cette décroissance s’accentue d’une manière à peu près régulière[1]. La France, au début

  1. En 1881, pour la dernière fois, il dépasse 100,000. En 1882, il tombe à 97,000 et s’abaisse en 1888 jusqu’à 44,772. Puis pendant trois